Les répercutions de l'appel du 18 juin

   
 
            Deux milles français auraient entendu l'appel du 18 juin 1940 prononcé par le
Général de Gaulle
. Cet effectif réduit d'auditeurs est compréhensible si on replace l’appel dans son contexte. En effet, la radio utilisé (La B.B.C) est anglaise, très peu de français ont donc pu l'écouté. De la même façon, aucun chef militaire ni aucun territoire de l’Empire ne se sont ralliés à lui à la fin du mois de juin malgré ses demandes répétées. Cependant, dans les semaines qui suivent, le bouche à oreille commence à fonctionner. De plus en plus de Français écoutent la B.B.C.  

            Ce discours, à court terme, a eu des répercussions limitées sur la population. Bien sur, il a d'autres enjeux pour De Gaulle. Tout d'abord, il lui permet de se faire connaître, lui qui n’est pas le représentant officiel de la France. Pour cause, les gouvernements de certains pays européens (la Norvège, la Belgique…) ont trouvé refuge à Londres. Or, la France a toujours un gouvernement légal qui la représente sur son territoire. De Gaulle doit donc assurer sa légitimité face aux Britanniques mais aussi face aux autre pays. L’appel doit les convaincre qu’il incarne son pays. De plus, l’objectif du général, est de maintenir la France dans la guerre pour qu’au jour de la victoire finale, elle soit présente sur la table des vainqueurs. Le pays ne doit pas apparaître comme un allié du Reich.

         L'impact de l'appel sur les alliés, lui est bien réel. Une affiche reprenant les grandes lignes de l’appel est placardée dans les rues de Londres. Elle est aussi destinée aux Anglais mais d’abord aux premiers Français déjà présents en Grande-Bretagne. Dès le 28 juin 1940, De Gaulle est reconnu par les Britanniques comme chef des Français Libres. Le 7 août, le général signe un accord avec Churchill donnant à la France Libre une assisse administrative et financière. Petit à petit, De Gaulle se forge une légitimité face au régime de Vichy qui est encore reconnu par presque tous les pays, sauf la Grande-Bretagne.


 
 
        Dans la presse française, seuls trois journaux parlent de l’appel le lendemain du 18 juin 1940 : Le Petit Provençal, Le Progrès et Le Petit Marseillais. L’information est donc très peu relayée. Le premier et le dernier évoquent un certain « général de Gaule » ! Il est si peu connu que l’on ne sait même pas orthographier correctement son nom.
  

        La réaction du gouvernement de Vichy ne se fait pas attendre. Le 24 juin, Charles De Gaulle est condamné par le tribunal militaire de Toulouse à quatre ans de prison et 1 000 francs d’amende. Il est plus tard condamné à la peine de mort. Ses biens sont confisqués le 2 août 1940. Ces décisions montrent bien que le gouvernement français ne prend pas à la légère l’acte de Charles De Gaulle. De plus, la surveillance des frontières se fait plus étroite. Les autorités tentent d’empêcher le départ de volontaires ayant pour but de rejoindre Londres. En Haute-Garonne, il est demandé aux forces de police d’être particulièrement attentives à cette question.

 

 

 


 

 

        Après l’armistice, Pétain obtient les pleins pouvoirs le 10 juillet 1940, votés par le Parlement français. Libre de faire ce qu’il veut et de tout décider seul, il met en place un régime dictatorial en zone non occupée. Les partis politiques, les syndicats et les manifestations sont interdits. Toutes les libertés sont supprimées ainsi que le droit de vote et le droit de grève. La France bascule dans le règne de l’embrigadement et du contrôle de la population. En zone occupée, les nazis imposent les mêmes lois qu’en Allemagne : terreur et répression dominent.

        La liberté d’expression n’existe plus. La censure se met en place et les médias sont contrôlés. Allemands et Français de Vichy tentent d’interdire l’accès à toutes sources d’information, autres que celles qu’ils n’ont pas autorisées. Rapidement, après l’appel du 18 juin 1940, écouter la B.B.C. est interdit. Le gouvernement de Vichy va plus loin : le 1er octobre 1942, la fabrication des postes T.S.F. est proscrite ; en 1943, il n’est plus possible d’en vendre. Enfin, les autorités essaient de brouiller les ondes de la B.B.C. Beaucoup de Français gardent alors le souvenir de messages inaudibles et d’émissions au son grésillant, écoutés en douce, le soir.

 

        Une guerre des ondes se met alors en place. En effet, si la radio est un moyen majeur pour De Gaulle, elle l’est aussi pour ses ennemis. C’est un outil de propagande incontournable pour contrôler les esprits et diffuser les idées « officielles ». En zone occupée, les Allemands créent « Radio-Paris », ouvertement antisémite, antibolchévique et anti-alliée. En zone non occupée, Pétain parle de très nombreuses fois à la radio. On l’écoute religieusement dans les foyers mais aussi dans les classes à l’école sous le portrait du chef de l’État français. La « Radio Nationale » fait en permanence l’apologie du maréchal, de sa « Révolution Nationale » et de sa politique de collaboration. L’objectif est donc de monopoliser les ondes pour accaparer les pensées des Français mais aussi de critiquer la B.B.C. pour la dévaloriser aux yeux de la population. Cependant, il ne semble pas que les efforts de dénigrement de Vichy et des Allemands aient vraiment fonctionné. Le succès de la radio anglaise est grandissant et les menaces de répressions – bien réelles – ne découragent pas les auditeurs.

Voir deux affiches de propagande :

 

 

 

  

        Les Français Libres sont ceux qui ont décidé de rejoindre le général De Gaulle. Les Français Libres sont aussi bien des soldats que des civils de métropole qui ont réussi à atteindre par leurs propres moyens l’Angleterre. Ces civils sont majoritairement des jeunes hommes. S’ils s’engagent, c’est bien sûr par rejet de la défaite et de l’occupation, mais aussi par goût pour l’aventure. L’insouciance de leurs 20 ans et leur liberté (ils sont souvent étudiants, célibataires) les poussent à partir vers un pays dont ils ignorent tout, vers un homme qu’ils ne connaissent pas.

 

 

 

Graphique sondage sur la motivation des FFL à s'engager. Photo Fondation de la France Libre

        Mais la grande question est : Comment rejoindre Londres ? Les risques sont évidemment énormes car si on est arrêté en tentant de passer la frontière, les représailles sont terribles : emprisonnement, condamnation à mort, déportation. De plus, réussir à sortir du territoire est difficile. Les engagés originaires du littoral atlantique sont donc majoritaires. Pour les autres, venant de toutes les régions de France, trouver un réseau d’évasion peut être la solution. À Paris, le réseau du Musée de l’Homme organise notamment ces départs de volontaires.

        Le 14 juillet 1940, le général passe en revue ses troupes. 3 000 volontaires l’ont rejoint. Fin juillet 1940, les effectifs de la France Libre ne s’élèvent qu’à 7 000 hommes alors que 115 000 soldats français sont présents en Angleterre. Félix Eboué, gouverneur du Tchad, est le seul haut responsable administratif à passer du côté de De Gaulle. Certains militaires de l’armée françaises se rallient à lui : Pleven, de Hauteclocque (le futur général Leclerc), Hettier de Boislambert et Larminat. Les territoires du Pacifique suivent également ainsi que le Congo. En août 1940, la France Libre obtient une assise territoriale importante et un nombre d’hommes conséquent grâce aux territoires de l’Empire colonial français (surtout en Afrique équatoriale) qui se sont joints au général. À la fin de l’année 1940, 35 000 hommes se battent dans les rangs des Forces Françaises Libres qui disposent d’une marine et d’une aviation. Entre 1940 et 1943, elles ont réuni jusqu’à 53 000 soldats. C’est à présent une véritable armée.

        La popularisation de la croix de Lorraine pendant la guerre est une preuve supplémentaire de la ferveur grandissante autour de De Gaulle. En juillet 1940, elle est adoptée comme symbole de la France Libre. En métropole, la croix de Lorraine est connue grâce à la B.B.C. et les tracts parachutés par les Alliés. Elle devient un moyen pour beaucoup d’exprimer leur attachement au général De Gaulle. Ce symbole permet à cette France Libre d’être connue, reconnue et d’exister. Elle apparaît sur les murs, tracée par les résistants. À Toulouse, 9 élèves du lycée de garçons créent le G.I.F (Groupe Insurrectionnel Français) en 1942 et se distinguent en dessinant des croix de Lorraine. On la retrouve aussi sur des tracts et des journaux clandestins. Le mouvement de résistance Combat reprend la croix sur son journal, mêlée au « c » de Combat. Après l’unification de la Résistance, les réseaux et mouvements revendiquent leur filiation avec De Gaulle en le désignant ouvertement comme leur unique chef. Sur le journal clandestin de Libération, on peut lire sous le titre : « Un seul chef : De Gaulle ; une seule lutte : pour
nos libertés ».